La République démocratique du Congo doit des explications aux institutions de Bretton Woods. La dernière mission du FMI à Kinshasa avait effleuré le problème au terme de sa mission d’évaluation sur le contrat financier que la RDC venait de signer avec la Chine et portant sur un montant de 5 milliards de dollars Usd.
Les bailleurs de fonds viennent de monter en première ligne, exigeant du FMI qu’il ait des éclaircissements auprès de la RDC sur la nature de cette ligne de crédits. Raison officielle ? Ils craignent que la Rdc s’embourbe dans cette spirale de la dette. Mais en réalité, c’est la panique qui s’est emparée des Occidentaux pour autant que la Chine risque de conquérir un plus grand espace économique en RDC, marchant ainsi sur leurs plates-bandes. Partenariat traditionnel oblige, jusque-là.
Le premier accord bilatéral signé en septembre 2007 entre la RDC et la République populaire de Chine s’évalue à plus de 5 milliards Usd. En réalité, il s’agit d’un accord de coopération au terme duquel la Chine s’engage à réaliser un certain nombre d’infrastructures en faveur de la RDC. En retour, cette dernière devra offrir au pays de Mao des concessions minières pour son industrie. Un accord dit « Gagnant-Gagnant ».
A la conclusion de cet accord, le ministre d’Etat des Travaux publics et Infrastructures, Pierre Lumbi, avait dit, en des termes on ne peut plus clairs, qu’il ne s’agit pas d’un « endettement mais plutôt d’une sorte de troc : infrastructures contre matières premières ». Et cet échange est évalué à plus de 5 milliards Usd.
En dépit de ces précisions du ministre d’Etat des Travaux publics et Infrastructures, la conclusion de cet accord a suscité de vives réactions dans le camp des Occidentaux. La toute première réaction officielle est venue du Fonds monétaire international. Son représentant en RDC, M Xavier, à la fin de la visite des experts du FMI en septembre 2007, a mis en garde la RDC contre toute tentative « de relancer le cycle d’endettement de peur de contrarier les efforts en cours pour l’allègement de sa dette extérieure estimée à quelque 14,5 milliards Usd ». En effet, dans l’hypothèse d’une conclusion heureuse du Programme d’actions prioritaires (PAP) en décembre 2008, la RDC atteindra le point d’achèvement de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE). Ce qui lui donnera droit à l’allègement de sa dette extérieure afin de la rendre soutenable.
L’atteinte du point d’achèvement diminuera le service de la dette de la RDC et accroîtra ses recettes internes, puisque actuellement 50% de recettes propres sont destinés au paiement du service de la dette extérieure. Il va s’en dire que cette contrepartie devra être consacrée aux dépenses pro-pauvres. Mais si Kinshasa ne remplit pas les conditionnalités des institutions de Bretton Woods pour atteindre le point d’achèvement, il sera appelé à apurer la totalité de sa dette extérieure. Ce qui explique ce fait que les Occidentaux brandissent cet épouvantail pour contraindre la RDC à demeurer sous leur observation. C’est-à-dire le budget national, l’affectation des dépenses doivent au préalable recevoir leur quitus. Ceci pour être sûr que les dépenses nationales sont compressées de manière à permettre notamment le paiement de la dette extérieure et éviter la détérioration des indicateurs macroéconomiques.
Cette panique ne se justifie pas tout simplement parce qu’il n’y a pas justement endettement dans le cadre de ce premier accord avec la Chine. Il y a encore ce deuxième accord financier entre la RDC et la Banque de développement de Chine pour le financement des projets de développement que présentera la RDC. La hauteur du financement disponible par la Banque chinoise de développement n’a pas été révélée. Les analystes estiment que c’est pour ne pas trop inquiéter la Banque mondiale et le Fonds monétaire international que le montant n’a pas été révélé. Toutefois, les rumeurs parlent de près de 10 milliards de dollars Usd. Argent qui sera disponible pour les investisseurs chinois dès qu’ils auront conclu un accord sur un projet de développement tant public que privé avec la RDC. Voilà des pratiques qui ne sont pas du goût de plaire à tout le monde.
Parlant d’ailleurs de cet accord financier, le ministre des Finances avait indiqué que les financements qui seront disponibilisés seront assortis de toutes les conditionnalités internationalement reconnues. Question de rassurer les bailleurs de fonds classiques. Et les crédits qui seront accordés dans ce cadre ne devront pas dépasser le taux d’intérêt de 1 %.
Comme pour rassurer les partenaires multilatéraux de la RDC, à son tour, le vice gouverneur de la Banque chinoise de développement a dit que son institution s’emploiera à ne pas alourdir la dette extérieure de la RDC. Les Occidentaux n’y croient pas et tiennent à connaître les termes de ces accords.
LE DROIT AU DEVELOPPEMENT
Cependant, il sied d’indiquer que la dette en soi n’est pas une mauvaise opération. Tout dépend du secteur d’affectation, des conditions de négociation et de l’échéance de remboursement. La RDC est encore sous exploitée et a besoin de grands financements pour espérer une croissance économique capable d’avoir des effets positifs sur le pouvoir d’achat de chaque Congolais dans cette logique du droit au développement et à la promotion humaine.
Il s’avère que les besoins de financement de la RDC ne peuvent pas, au stade actuel, être résorbés par les seules institutions financières de Bretton Woods et le Club de Paris. La RDC peut souverainement contracter des accords bilatéraux et multilatéraux. C’est son droit le plus légitime. Aussi, sur fond de droit au développement, il est bon pour la RDC de multiplier ses partenaires sans aliéner sa souveraineté et sa dignité, en évitant bien sûr de s’enfermer dans une espèce de Tour de Babel de la dette.
En tout état de cause, l’essentiel pour la RDC consiste à affecter les ressources dans le secteur de développement et non de la consommation afin de maîtriser ses capacités d’honorer les engagements. Bien plus, l’entrepreunariat souffre en RDC de l’inexistence des institutions financières capables d’accorder des crédits à long terme. Et la plate-forme financière chinoise ambitionne de pallier à cette lacune.
En fait, dans ce contexte de relations bilatérales et multilatérales, il est important de quitter les vieux sentiers battus en cette ère de mondialisation pour diversifier la coopération dans le but d’apporter sa contribution à la croissance mondiale. La Chine s’est ouverte à l’ Occident et est devenue membre de l’ Organisation mondiale du commerce, OMC, en s’intégrant dans cette logique. Les Occidentaux n’ont pas hésité un seul instant à l’envahir presque en vue d’exploiter le marché chinois. La République démocratique du Congo ne commet aucun crime de disposer des accords de partenariat avec la même Chine sans s’attirer la foudre des partenaires traditionnels qui, la RDC le reconnaît, ont été à ses côtés pendant des moments difficiles de son parcours politique.
Mais pour un pays qui sort d’une situation de guerre complexe et accuse d’immenses potentialités, la « guerre des espaces économiques » ne doit pas le contraindre à l’état d’otage. Ce serait l’asphyxier et le pousser vers un suicide collectif.